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Le bien-fondé des cours préalables : une question de symbiose !
Nombre de fois où j’ai voulu sauter des étapes lors de ma carrière estudiantine, mais les cours préalables m’ont bien vite coupé mon élan ! Pour le mieux ou pas ? Ils sont souvent une source de frustration pour bien des étudiants. Les raisons sont diverses : l’obligation ne plait pas, trop généraux, pas de lien direct avec une profession, trop basiques, manque de cohésion entre les cours, etc.
La « découverte » scientifique…
Tout récemment, Brian K. Sato et son équipe (Sato et al. 2017) se sont intéressés à cette question des cours préalables dans un cursus scientifique (l’article original en anglais est disponible ici). Ils ont évalué les bénéfices des prérequis pour un cours théorique de microbiologie et de son pendant pratique, la période de laboratoire. Un questionnaire de « familiarité » des concepts a été développé pour mesurer l’état de connaissances des étudiants. Plus précisément, cette échelle de familiarité consiste à mesurer l’habilité de l’étudiant à répondre à une question théorique à partir de ses connaissances acquises lors d’un cours prérequis. De manière générale, ils ont constaté que les étudiants qui participaient au cours théorique de microbiologie ne performaient pas mieux que ceux qui ne le suivaient pas. De là, on peut donc remettre en question le bien-fondé des cours prérequis !
Préalable en fonction de quoi ?
La réussite d’un cours préalable obligatoire est une façon de s’assurer que l’étudiant/e a acquis/e un certain niveau de connaissances de base. On peut comparer cela à la construction d’une fondation de savoirs (idéalement solide !) permettant d’accueillir des connaissances de plus en plus complexes. J’ai exploré le « comment » on définit les préalables, mais j’ai trouvé bien peu de littérature sur le sujet. De manière générale, les instructeurs semblent souvent déterminer les prérequis en fonction de leur expérience personnelle en enseignement, mais aussi en fonction leur propre expérience en tant qu’étudiants (Rovick et al. 1999).
Qui vient en premier ? La théorie ou la pratique ?
Revenons à Sato et ses collègues et à leur grille de « familiarité ». Simplement, des questions peuvent être « très familières », « familières » ou « non-familières » en fonction des connaissances acquises préalablement. Ainsi, en mesurant l’habilité des étudiants à répondre à certaines questions de connaissances, ils ont pu évaluer si le cours théorique de microbiologie était nécessaire pour réussir le cours de laboratoire. De manière générale, les étudiants qui avaient fait le cours théorique de microbiologie avaient significativement les mêmes résultats sur les examens théoriques et de laboratoire que les étudiants n’avaient pas complété ce cours théorique normalement prérequis pour le laboratoire. Ils ont aussi rencontré les étudiants pour connaître leurs perceptions de ces prérequis. Pour 89.3% des étudiants, les prérequis sont nécessaires pour acquérir des connaissances de base. Pour, respectivement, 35.7%, 25.0% et 21.4%, les connaissances préalables agissent comme un « filet de sécurité », déterminent leurs succès futurs et contribuent à l’intérêt de la discipline enseignée. Toutefois, pour 51.7% des étudiants rencontrés, le cours théorique représente aussi un casse-tête administratif, surtout au niveau de l’établissement de l’horaire des cours. Beaucoup considèrent ce cours comme une perte de temps et d’argent (37.9%) ou mal intégré dans le cursus (31.0%). Il est intéressant de constater que seulement 17% pensent que le cours théorique de microbiologie est inutile. Pour Sato et ses collègues, les résultats obtenus ont permis de créer une ligne directrice pour amorcer certains changements dans les cours de microbiologie. Toutefois, ils ne suggèrent aucune avenue pour résoudre l’énigme de ce qui doit venir en premier ; la théorie ou le laboratoire ?!
Ce que l’on doit retenir
L’idée de ce type d’investigation n’est pas de démontrer que les prérequis ne sont pas nécessaires. En effet, multiples études montrent l’importance de ceux-ci et présentent des résultats qui contrastent avec l’étude menée par Sato et ses collègues (Soria & Mumpower 2012; Choudhury & Robinson 2007; McCoy 2004; Donovan & Wheland 2009). Il faut plutôt retenir l’importance de remettre en question certaines façons de faire, qui sont souvent solidement ancrées depuis de nombreuses années. L’acquisition de connaissances fondamentales est essentielle pour la construction d’un réseau de plus en plus complexe. Les cours prérequis sont une forme de standardisation du système éducatif assurant un niveau d’instruction minimum nécessaire à la réussite de l’étudiant (en théorie !). Toutefois, il serait important de réévaluer son efficacité car un tel système évolue aussi en fonction de contextes socio-économiques et technologiques donnés. Selon moi, des résultats présentés comme ceux de Sato et ses collèges démontrent uniquement la nécessité de remodeler un curriculum de façon à ce que les cours offerts deviennent totalement réciproques, c’est-à-dire en symbiose. Les prérequis sont donc un bien-fondé, si ceux-ci sont raisonnés !
Références
Choudhury, A. & Robinson, D., 2007. Effect of prerequisite on introductory statistics performance. Journal of Economics and Economics Education Research, 8(3), pp.19–32.
Donovan, W.J. & Wheland, E.R., 2009. Comparisons of Success and Retention in a General Chemistry Course Before and After the Adoption of a Mathematics Prerequisite. School Science and Mathematics, 109(7), pp.371–382.
McCoy, E.D.P.S.K., 2004. The Function of Course Prerequisites in Biology. American Institute of Biological Sciences.
Rovick, A.A. et al., 1999. How accurate are our assumptions about our students’ background knowledge? Advances in Physiology Education, 21(1), pp.S93–S101.
Sato, B.K. et al., 2017. What’s in a Prerequisite? A Mixed-Methods Approach to Identifying the Impact of a Prerequisite Course. D. Barnard, ed. CBE-Life Sciences Education, 16(1), pp.ar16–20.
Soria, K.M. & Mumpower, L., 2012. Critical building blocks: Mandatory prerequisite registration systems and student success. NACADA Journal, 32(1), pp.30–42.