Archive for the ‘Billets en français’ Category
Conférence: Les changements climatiques: une croyance ou une science?
Les changements climatiques sont un thème de plus en plus enseigné dans les cours de sciences. Toutefois, les informations rapportées par les médias, par l’entourage de l’étudiant ou même par la méconnaissance de certains enseignants peuvent grandement influencer la qualité de son apprentissage. Pour mieux comprendre cette problématique, la Haute école pédagogique Vaud vous invite donc à cette conférence intitulée: Changements climatiques: entre sciences, croyances et fake news. Elle se tiendra le mardi 28 novembre, à 18:30. Elle sera présentée par M. Martin Beniston, professeur honoraire à l’Université de Genève et prix Nobel de la Paix en 2007.
Informations pratiques
Mardi 28 novembre 2017 à 18h30
HEP Vaud, salle C33-229
Avenue de Cour 33, Lausanne
Entrée libre
C’est la rentrée!
L’automne s’amène avec sa panoplie d’activités, de conférences et de formations en science et en didactique. Comme première activité, le 27 septembre, je vous suggère le workshop Science on Stage Switzerland 2017. Vous pourrez aller à la rencontre des participants suisses du festival européen Science on Stage qui avait eu lieu à Debrecen (Hongrie) cet été. Vous aurez la possibilité de partager leur expérience pendant ce festival et de visiter les laboratoires publics de l’Université de Genève.
Pour connaître le programme détaillé de l’événement, cliquez ici.
Le lieu: Université de Genève
Heure: 10:00 à 16:30
Science on Stage Switzerland est une association faisant la promotion de l’enseignement des sciences. Des enseignants suisses sont sélectionnés pour participer au festival européen organisé par Science on Stage Europe. Ceux-ci doivent présenter des idées innovantes d’enseignement pour divers sujets scientifiques.
Bonne rentrée!!
Idées reçues sur la théorie de l’évolution de Lamarck
L’utilisation ou non des organes = évolution?
Certaines idées reçues observées chez les étudiants sont parfois en lien avec certains concepts de la théorie de l’évolution suggérée par Jean-Batiste de Lamarck (1744-1829) (Ha & Nehm 2013; Shtulman 2006; Kampourakis & Zogza 2007b). Brièvement, sa principale théorie consistait à reconnaître que l’utilisation ou la non-utilisation d’un organe en réponse directe à des conditions environnementales déterminait sa persistance chez un individu et sa transmission, ou non, d’une génération à une autre. Autrement dit, la théorie de la transmission des caractères acquis. Lamarck ne reconnaissait pas le rôle du hasard dans les processus biologiques, ni l’extinction des espèces. Plutôt, il croyait à la complexification des organismes par des mécanismes mécaniques (de Lamarck 1809). Encore aujourd’hui, ce type de raisonnement de l’utilisation/non-utilisation d’un organe est observé parmi des étudiants de niveau pré-universitaire et dans les premières années d’études universitaires (Klymkowsky et al. 2010; Champagne Queloz et al. 2016; Champagne Queloz et al. 2017; Nehm & Ha 2010). En contrepartie, cette représentation ne devrait pas être étiquetée « modèle Lamarck », comme on peut encore trouver dans certains manuels de biologie. En effet, bien des scientifiques de cette époque, dont Charles Darwin, partageaient cette idée (Ha & Nehm 2013). On nomme cette théorie « le transformisme ». Cette théorie suggère qu’en réponse à certains facteurs environnementaux, les organismes vont transformer un organe en fonction de son utilisation. Ainsi, les nouvelles propriétés de cet organe seront transférées à la génération suivante (Shtulman 2006; Kampourakis & Zogza 2007b).
Kampourakis et Zogza (Kampourakis & Zogza 2007a) ont montré que d’autres conceptions alternatives étaient aussi faussement associées à la théorie de Lamarck. Premièrement, Lamarck ne croyait pas en cette explication téléologique qui suggère que les organismes évoluent en suivant un plan défini prédéterminé par une force quelconque et qui conduit vers un certain idéal. Deuxièmement, on associe à tort à sa théorie le « bon vouloir » ou la « volonté » d’évoluer, alors que Lamarck lui-même rejetait ces idées. En fait, ces conceptions alternatives seraient nées d’une erreur de traduction des textes Lamarck (du français à l’anglais). Le mot « besoin » utilisé dans les textes de Lamarck, a été traduit par want (vouloir) au lieu de need to (avoir des besoins) (Mayr 1982; Kampourakis & Zogza 2007b). Les textes de Lamarck ont été lus par de notables évolutionnismes anglo-saxons de l’époque et ultérieurs. Ils ont, sans le vouloir, perpétué cette idée fausse de volonté. Troisièmement, pour Lamarck, ce n’est pas l’environnement qui induit directement les changements génétiques. C’est plutôt l’utilisation des organes en fonction de conditions environnementales données, c’est-à-dire une action mécanique. Cette conception de l’évolution par Lamarck est maintenant reconnue comme étant erronée. Toutefois, elle reste encore une idée reçue fréquente qui freine l’apprentissage des processus évolutifs.
On dit donc parfois à tort que les étudiants ont une idée « lamarckienne » des processus évolutifs (Bishop & Anderson 1990; Demastes et al. 1995). Kampourakis et Zogza (Kampourakis & Zogza 2007b) ont demandé à des étudiants âgés de 15 ans d’expliquer comment les girafes allongeaient leur cou ou d’expliquer comment certains organismes dans un environnement donné peuvent changer de couleur. La majorité de ceux-ci ont expliqué que des besoins environnementaux poussaient les girafes à s’étirer le cou ou les animaux à changer de couleurs. Ces animaux induisant donc des changements génétiques permettant l’adaptation à des situations de stress. Sinon, il y a extinction de l’espèce. Au contraire, Lamarck ne croyait pas à l’extinction des espèces, mais suggérait plutôt qu’ils se transformaient pour survivre en adaptant des organes pour des besoins particuliers.
Lamarck et les girafes
En passant, cette représentation des girafes qui doivent allonger leur cou pour atteindre les feuilles les plus hautes dans les arbres est souvent associée à Lamarck. Toutefois, il est très intéressant d’apprendre par Kampourakis et Zogza (Kampourakis & Zogza 2007b), que Lamarck n’a pas vraiment étudié les girafes. D’ailleurs, lui-même n’a jamais eu l’occasion de les observer dans leur milieu naturel dans la savane. Dans son livre Philosophie Zoologique (de Lamarck 1809), il fait une seule courte remarque à propos de cet animal (citée ici). Il ne propose donc pas de connaissances factuelles pour expliquer le mécanisme de l’allongement du cou, sauf à part que c’est par l’utilisation de celui-ci par son étirement. Parallèlement, il ne suggère pas que la volonté de l’animal est responsable de l’élongation du cou. Des observations plus détaillées des girafes auraient plutôt été faites par Etienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844), un naturaliste français. En 1827, celui-ci avait été engagé par le roi Charles X pour s’occuper d’une girafe offerte par le gouverneur de l’Égypte, Méhémet-Ali (lire ici l’histoire de la girafe Zarafa!). Saint-Hilaire partageait des idées qui s’apparentaient au transformisme de Lamarck. Enfin, l’idée que les girafes allongent leur cou pour atteindre les feuilles les plus hautes avait déjà été suggérée en 1805 par Giuseppe Gautieri (1769-1833) (pour plus de détail à ce sujet, lire ici).
Controverse : et si Lamarck avait eu raison?
On ne peut passer sous silence le fait que certains chercheurs, suite à de récentes découvertes en biologie moléculaire et en génétique (par exemple, la technologie CRISPR), ravivent le modèle évolutif suggéré par Lamarck, souvent qualifiée de modèle quasi-Lamarckien (Koonin & Wolf 2009; Wang & Wood 2011; Burr et al. 2001). Sans vouloir entrer dans les détails de cette controverse (lire plutôt l’article en français de Casane et Laurenti (Casane & Laurenti 2016), les phénomènes génétiques suivant une tendance lamarckienne restent encore très marginaux et ont très peu d’influence dans les processus évolutifs. L’action du hasard tant au niveau de l’apparition des mutations, de la fixation ou de la perte des gènes, de l’embryogénèse et de la formation de nouveaux gènes, ainsi que la sélection naturelle sont grandement plus importantes dans l’évolution des organismes vivants.
Sobriquet ou non?
La classification et la nomination des concepts sur des bases historiques et épistémologique doit être faite avec parcimonie. Il faut éviter les dichotomies faciles entre les différents courants de pensée (le mauvais/le bon modèle). Certaines conceptions alternatives d’étudiants sont souvent classifiées sous un nom générique (dans le cas ci-présent, dites lamarckiennes, « la mauvaise »). En fait, elles partagent très peu de points communs avec le modèle originel. Ceci peut faire ombrage à certains scientifiques qui ont tout de même contribué de manière significative au développement de la pensée scientifique d’un concept. Comme suggéré par Kampourakis et Zogza (Kampourakis & Zogza 2007b), il faudrait aborder les conceptions alternatives des étudiants sans faire de classification fondée sur des références historiques. Le sens de certains concepts évolue avec le temps. Il peut alors être interprétés différemment et s’éloigner ainsi de l’idée originale proposée. Les implications pour l’enseignement peuvent être importantes, car on utilise souvent des références historiques pour renforcer l’importance d’un concept enseigné. De manière générale, bien des étudiants pensent que l’évolution des organismes se fait pour combler des besoins, vers l’atteinte d’un idéal. Ce raisonnement nuit à la compréhension authentique de l’évolution. Ce qui compte avant tout dans l’enseignement, c’est de savoir repérer, fissurer et franchir (Astolfi & Peterfalvi 1993) les conceptions alternatives pour mieux faire place aux savoirs scientifiques approuvés, et ce, peu importe le sobriquet attribué.
Références
Astolfi, J.P. & Peterfalvi, B., 1993. Obstacles et construction de situations didactiques en sciences expérimentales. ASTER, 16, pp.103–141.
Bishop, B.A. & Anderson, C.W., 1990. Student conceptions of natural selection and its role in evolution. 27(5), pp.415–427.
Burr, T., Hyman, J.M. & Myers, G., 2001. The origin of acquired immune deficiency syndrome: Darwinian or Lamarckian? Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences, 356(1410), pp.877–887.
Casane, D. & Laurenti, P., 2016. Le cas CRISPR, mutations « ready-made» et évolution lamarckienne d’un système immunitaire adaptatif. médecine/sciences, 32(6), pp.640–645.
Champagne Queloz, A. et al., 2016. Debunking Key and Lock Biology: Exploring the prevalence and persistence of students’ misconceptions on the nature and flexibility of molecular interactions. Matters Select, pp.1–7.
Champagne Queloz, A. et al., 2017. Diagnostic of students’ misconceptions using the Biological Concepts Instrument (BCI): A method for conducting an educational needs assessment M. Hermes-Lima, ed. PLoS ONE, 12(5), pp.e0176906–18.
de Lamarck, J.B., 1809. Philosophie zoologique,
Demastes, S.S., Good, R.G. & Peebles, P., 1995. Students’ conceptual ecologies and the process of conceptual change in evolution. Science Education.
Ha, M. & Nehm, R.H., 2013. Darwin’s Difficulties and Students’ Struggles with Trait Loss: Cognitive-Historical Parallelisms in Evolutionary Explanation. Science & Education, 23(5), pp.1051–1074.
Kampourakis, K. & Zogza, V., 2007a. Students’ intuitive explanations of the causes of homologies and adaptations. Science & Education, 17(1), pp.27–47.
Kampourakis, K. & Zogza, V., 2007b. Students’ Preconceptions About Evolution: How Accurate is the Characterization as “Lamarckian” when Considering the History of Evolutionary Thought? Science & Education, 16, pp.393–422.
Klymkowsky, M.W., Underwood, S.M. & Garvin-Doxas, K., 2010. Biological Concepts Instrument (BCI): A diagnostic tool for revealing student thinking. arXiv.org.
Koonin, E.V. & Wolf, Y.I., 2009. Is evolution Darwinian or/and Lamarckian? Biology Direct, 4(1), pp.42–14.
Mayr, E., 1982. The Growth of Biological Thought: Diversity, Evolution, and Inheritance. Havard University Press. 974 p.
Nehm, R.H. & Ha, M., 2010. Item feature effects in evolution assessment. 48(3), pp.237–256.
Shtulman, A., 2006. Qualitative differences between naïve and scientific theories of evolution. Cognitive Psychology, 52(2), pp.170–194.
Wang, X. & Wood, T.K., 2011. IS5 inserts upstream of the master motility operon flhDC in a quasi-Lamarckian way. The ISME Journal, 5(9), pp.1517–1525.
Le bien-fondé des cours préalables : une question de symbiose !
Nombre de fois où j’ai voulu sauter des étapes lors de ma carrière estudiantine, mais les cours préalables m’ont bien vite coupé mon élan ! Pour le mieux ou pas ? Ils sont souvent une source de frustration pour bien des étudiants. Les raisons sont diverses : l’obligation ne plait pas, trop généraux, pas de lien direct avec une profession, trop basiques, manque de cohésion entre les cours, etc.
La « découverte » scientifique…
Tout récemment, Brian K. Sato et son équipe (Sato et al. 2017) se sont intéressés à cette question des cours préalables dans un cursus scientifique (l’article original en anglais est disponible ici). Ils ont évalué les bénéfices des prérequis pour un cours théorique de microbiologie et de son pendant pratique, la période de laboratoire. Un questionnaire de « familiarité » des concepts a été développé pour mesurer l’état de connaissances des étudiants. Plus précisément, cette échelle de familiarité consiste à mesurer l’habilité de l’étudiant à répondre à une question théorique à partir de ses connaissances acquises lors d’un cours prérequis. De manière générale, ils ont constaté que les étudiants qui participaient au cours théorique de microbiologie ne performaient pas mieux que ceux qui ne le suivaient pas. De là, on peut donc remettre en question le bien-fondé des cours prérequis !
Préalable en fonction de quoi ?
La réussite d’un cours préalable obligatoire est une façon de s’assurer que l’étudiant/e a acquis/e un certain niveau de connaissances de base. On peut comparer cela à la construction d’une fondation de savoirs (idéalement solide !) permettant d’accueillir des connaissances de plus en plus complexes. J’ai exploré le « comment » on définit les préalables, mais j’ai trouvé bien peu de littérature sur le sujet. De manière générale, les instructeurs semblent souvent déterminer les prérequis en fonction de leur expérience personnelle en enseignement, mais aussi en fonction leur propre expérience en tant qu’étudiants (Rovick et al. 1999).
Qui vient en premier ? La théorie ou la pratique ?
Revenons à Sato et ses collègues et à leur grille de « familiarité ». Simplement, des questions peuvent être « très familières », « familières » ou « non-familières » en fonction des connaissances acquises préalablement. Ainsi, en mesurant l’habilité des étudiants à répondre à certaines questions de connaissances, ils ont pu évaluer si le cours théorique de microbiologie était nécessaire pour réussir le cours de laboratoire. De manière générale, les étudiants qui avaient fait le cours théorique de microbiologie avaient significativement les mêmes résultats sur les examens théoriques et de laboratoire que les étudiants n’avaient pas complété ce cours théorique normalement prérequis pour le laboratoire. Ils ont aussi rencontré les étudiants pour connaître leurs perceptions de ces prérequis. Pour 89.3% des étudiants, les prérequis sont nécessaires pour acquérir des connaissances de base. Pour, respectivement, 35.7%, 25.0% et 21.4%, les connaissances préalables agissent comme un « filet de sécurité », déterminent leurs succès futurs et contribuent à l’intérêt de la discipline enseignée. Toutefois, pour 51.7% des étudiants rencontrés, le cours théorique représente aussi un casse-tête administratif, surtout au niveau de l’établissement de l’horaire des cours. Beaucoup considèrent ce cours comme une perte de temps et d’argent (37.9%) ou mal intégré dans le cursus (31.0%). Il est intéressant de constater que seulement 17% pensent que le cours théorique de microbiologie est inutile. Pour Sato et ses collègues, les résultats obtenus ont permis de créer une ligne directrice pour amorcer certains changements dans les cours de microbiologie. Toutefois, ils ne suggèrent aucune avenue pour résoudre l’énigme de ce qui doit venir en premier ; la théorie ou le laboratoire ?!
Ce que l’on doit retenir
L’idée de ce type d’investigation n’est pas de démontrer que les prérequis ne sont pas nécessaires. En effet, multiples études montrent l’importance de ceux-ci et présentent des résultats qui contrastent avec l’étude menée par Sato et ses collègues (Soria & Mumpower 2012; Choudhury & Robinson 2007; McCoy 2004; Donovan & Wheland 2009). Il faut plutôt retenir l’importance de remettre en question certaines façons de faire, qui sont souvent solidement ancrées depuis de nombreuses années. L’acquisition de connaissances fondamentales est essentielle pour la construction d’un réseau de plus en plus complexe. Les cours prérequis sont une forme de standardisation du système éducatif assurant un niveau d’instruction minimum nécessaire à la réussite de l’étudiant (en théorie !). Toutefois, il serait important de réévaluer son efficacité car un tel système évolue aussi en fonction de contextes socio-économiques et technologiques donnés. Selon moi, des résultats présentés comme ceux de Sato et ses collèges démontrent uniquement la nécessité de remodeler un curriculum de façon à ce que les cours offerts deviennent totalement réciproques, c’est-à-dire en symbiose. Les prérequis sont donc un bien-fondé, si ceux-ci sont raisonnés !
Références
Choudhury, A. & Robinson, D., 2007. Effect of prerequisite on introductory statistics performance. Journal of Economics and Economics Education Research, 8(3), pp.19–32.
Donovan, W.J. & Wheland, E.R., 2009. Comparisons of Success and Retention in a General Chemistry Course Before and After the Adoption of a Mathematics Prerequisite. School Science and Mathematics, 109(7), pp.371–382.
McCoy, E.D.P.S.K., 2004. The Function of Course Prerequisites in Biology. American Institute of Biological Sciences.
Rovick, A.A. et al., 1999. How accurate are our assumptions about our students’ background knowledge? Advances in Physiology Education, 21(1), pp.S93–S101.
Sato, B.K. et al., 2017. What’s in a Prerequisite? A Mixed-Methods Approach to Identifying the Impact of a Prerequisite Course. D. Barnard, ed. CBE-Life Sciences Education, 16(1), pp.ar16–20.
Soria, K.M. & Mumpower, L., 2012. Critical building blocks: Mandatory prerequisite registration systems and student success. NACADA Journal, 32(1), pp.30–42.
Seminar: Research and Practice in Education Spring 2017
Ce printemps, l’Institut universitaire de formation des enseignants (IUFE) de l’Université de Genève propose des séminaires sur la recherche et la pratique en science de l’éducation (Research and Practice in Education Spring 2017). Le premier séminaire, qui aura lieu le lundi 6 mars, à 12:15, a pour titre : “Démarche d’investigation en classe de biologie: analyse de 25 séquences mises en oeuvre par les enseignants stagiaires”. Ce séminaire sera présenté par Mme Marie Merminod et M. Rémi Kopp. Le rendez-vous a lieu à IUEF, à Genève, dans la salle 225.
D’autres séminaires auront lieu durant tout le printemps. Voici l’horaire des présentations: Programme Printemps 2017
This spring, the Institute of Teacher Education (IUFE) at the University of Geneva offers the seminar “Research and Practice in Education”. The first seminar, on Monday, March 6 at 12:15, is titled: “Investigation approach in biology class: analysis of 25 sequences implemented by trainees- teacher”, by Mme Marie Merminod and M. Rémi Kopp. The seminar takes place at IUEF, in Geneva, in the room 225.
Here you can find the spring schedule 2017 of all presentations: Programme Printemps 2017
Enseigner la biologie autrement
Enseigner la biologie
Concrètement, qu’est-ce que signifie l’enseignement de la biologie? La biologie est un domaine très vaste. Elle inclut l’étude des phénomènes moléculaires jusqu’à l’étude des systèmes écologiques complexes, tout en passant par le monde microscopique. Le contenu d’enseignement peut devenir rapidement très complexe et quasi illimité. Pour se donner une idée des concepts enseignés dans les cours d’introduction à la biologie au niveau post-secondaire ou universitaire, il suffit de se référer aux manuels les plus populaires tels que le “Campbell – Biology” ou son équivalent germanique, le “Natura“. D’ailleurs, la rédaction des contenus d’enseignement est souvent grandement inspirée des tables des matières de ces manuels. Ceux-ci présentent une histoire linéaire et logique allant souvent du niveau moléculaire au niveau macroscopique (exemple, l’écologie et la biologie développementale).
Je compare cette approche à l’enseignement programmé linéaire, une théorie behavioriste suggérée par Burrhus Frederic Skinner dans les années 50. Elle consiste à découper le contenu à enseigner en segments fins, des associés à des activités d’apprentissage et à des évaluations régulières. Les étudiants doivent obligatoirement parcourir l’ensemble des éléments d’apprentissage pour atteindre les critères de réussite d’un cours (lire ici une note de synthèse, écrite par Pierre Oléron, sur l’enseignement programmé linéaire ou à embranchements). En décomposant le contenu à enseigner en fins segments, on tend à éviter le plus possible les erreurs.
Face au mur de la complexité de la biologie
Toutefois, cette linéarité ne correspond pas nécessaire à une accentuation du niveau de complexité des concepts enseignés, comme on le fait pour l’enseignement d’un sport ou d’un instrument de musique. En effet, les premiers chapitres de la plupart des manuels de biologie abordent les concepts de l’énergie, des processus thermodynamiques et biochimiques, qui dirigent les processus biologiques. Ces concepts requièrent des connaissances de base en physique ou en chimie. Malheureusement, ces connaissances sont souvent mal maitrisées (Boo 1998; Teichert & Stacy 2002; Wren & Barbera 2013; Haglund et al. 2015; Lancor 2012), ou tout simplement pas encore apprises. De plus, les étudiants ne font pas spontanément un transfert de connaissances d’une discipline à une autre (Nagel & Lindsey 2015). Megan Nagel et Beth Lindsey (2015) ont démontré qu’il était nécessaire de “forcer” les étudiants à transférer leurs connaissances. Parallèlement, les enseignants doivent être en mesure de reconnaître les besoins interdisciplinaires des étudiants pour amorcer de tels transferts. Les étudiants se confortent souvent à cloitrer les connaissances les unes des autres, et sont supportés par un enseignement en silo (Loertscher et al. 2014; Nagel & Lindsey 2015), qui réfère à enseigner sans explicitement lier les connaissances entre elles. Les conséquences dans l’apprentissage de la biologie sont, premièrement, que certains étudiants décrochent dès les premiers cours face à ce mur de complexité, car cela ne correspond tout simplement pas à leurs attentes. Deuxièmement, d’autres se mettent en “mode automatique”, en mémorisant par coeur ce qui doit être appris pour réussir les examens. Au final, ces étudiants ne démontrent pas une compréhension authentique des concepts enseignés et échouent souvent à communiquer de telles connaissances en dehors d’un contexte d’évaluation (Champagne Queloz 2016).
Enseigner la biologie autrement
Alors, comment enseigner la biologie autrement? L’enseignement linéaire en biologie, consistant à décrire le plus petit (ex. moléculaire) vers le plus grand (ex. écologie) en passant par le microscopique, est favorisé dans la majorité des cours de biologie à tous niveaux d’éducation. Les avantages sont les suivants: 1) c’est une suite à première vue logique, 2) simplifie la rédaction et l’édition des manuels scolaires, 3) simplifie l’enseignement et l’apprentissage, qui se résume à “suivre la ligne droite” pour éviter de s’égarer, et 4) permet l’enseignement d’un grand nombre de faits.
Toutefois, l’enseignement de la biologie pourrait, selon moi (et d’autres, lire Klymkowsky et al. 2016), se faire autrement. Au lieu d’un enseignement linéaire, je vois plutôt un enseignement englobant (j’imagine le tout en forme de boucles). La complexité peut augmenter en fonction du niveau d’éducation ou du temps d’enseignement disponible. L’idée générale est de toujours revenir à son point de départ pour repartir vers d’autres niveaux d’explications ou vers de nouveaux concepts. Ma réflexion s’inspire de la théorie de Norman Crowder, (enfin, selon mon interprétation). Contrairement à la théorie d’apprentissage linéaire suggéré par Skinner, Crowder suggère des programmes d’apprentissage à embranchements présentant des segments plus détaillés et plus longs. Les étudiants sont sensibilisés au fait que plus d’une réponse est possible (lire ici la note de synthèse, écrite par Pierre Oléron, sur l’enseignement programmé linéaire de Skinner ou à embranchements de Crowder).
Les manuels scolaires présentant le contenu respectant une perspective crowdienne sont appelés “livres brouillés”, qui est traduit de l’anglais “scrambled books” (Oléron 1964). Le manuel BioFundamentals – coreBIO (disponible ici gratuitement), écrit par Mike Klymkowsky et Melanie Cooper, a été rédigé pour intégrer cette perspective englobante et interdisciplinaire de l’enseignement de la biologie. Je crois qu’il se rapproche de près à ce qu’on appelle un “livre brouillé” (et non “brouillon”!!). Dans ce livre, on montre que les processus biologiques sont influencés par une multitude de phénomènes interdépendants des uns aux autres. Trop souvent, les étudiants ne réalisent pas l’existence de tous ces liens.
Selon Herrmann-Abell et collaborateurs (Herrmann-Abell et al. 2016), il est essentiel d’expliquer que les mêmes principes chimiques ou physiques sont impliqués dans divers phénomènes biologiques. Cette équipe de recherche a développé un curriculum de 6 semaines, le “Toward High School Biology“. Ce programme a été pensé pour aider les étudiants à mieux comprendre l’influence du réarrangement des atomes et du principe de conservation de l’énergie dans les processus biologiques. Le design du programme est basé sur quatre principes: 1- présenter un ensemble cohérent d’idées scientifiques et les connections qui existent entre elles, 2- tenir compte des connaissances antérieures et des idées reçues des étudiants, 3- présenter des expériences ou des phénomènes proches de la réalité de tous les jours, et 4- examiner l’interprétation et les explications des étudiants. Cette étude, malgré certaines limites citées par les auteurs, démontre que les étudiants impliqués dans cette approche avaient moins d’idées reçues que les étudiants qui suivaient un enseignement traditionnel.
Les difficultés
Il y a beaucoup de résistance face à cette approche d’enseignement plutôt libérale. Effectivement, pour l’enseignant, il faut un grand investissement de temps et une détermination convaincante de la nécessité de cette approche. Discuter avec les étudiants prend du temps et conséquemment, il peut y avoir moins de temps pour enseigner certains faits scientifiques. De plus, certains groupes d’étudiants sont plus réceptifs que d’autres à cette approche.
Enfin, la conclusion…
L’enseignement englobant prépare mieux les apprenants à la complexité des processus biologiques, chimiques ou physiques. Elle les amène à développer un raisonnement scientifique authentique et éclairé, qui se rapproche de celle de l’expert. En effet, un expert possède certes bien des savoirs, mais sait surtout reconnaître les limites de ses connaissances. Ceci le pousse alors à chercher et à comprendre les mécanismes étudiés (parfois en s’égarant, ou même en reculant!). Le chemin scientifique n’est pas linéaire; il est plutôt composé de boucles de longueurs variées et de diverses directions. Ainsi va la science et donc, son apprentissage.
Références
Boo, H.K., 1998. Students’ understandings of chemical bonds and the energetics of chemical reactions. Journal of Research in Science Teaching, 35(5), pp.569–581.
Champagne Queloz, A., 2016. Biological Thinking: Insights into the Misconceptions in Biology maintained by Gymnasium students and Undergraduates. Zurich.
Haglund, J., Andersson, S. & Elmgren, M., 2015. Chemical engineering students’ ideas of entropy. Chemistry Education Research and Practice, 16(3), pp.537–551.
Herrmann-Abell, C.F., Koppal, M. & Roseman, J.E., 2016. Toward High School Biology: Helping Middle School Students Understand Chemical Reactions and Conservation of Mass in Nonliving and Living Systems. CBE-Life Sciences Education, 15(4), pp.ar74–ar74.
Klymkowsky, M.W. et al., 2016. The Design and Transformation of Biofundamentals: A Nonsurvey Introductory Evolutionary and Molecular Biology Course. CBE-Life Sciences Education, 15(4), pp.ar70–ar70.
Lancor, R., 2012. Using Metaphor Theory to Examine Conceptions of Energy in Biology, Chemistry, and Physics. Science & Education, 23(6), pp.1245–1267.
Loertscher, J. et al., 2014. Identification of Threshold Concepts for Biochemistry. CBE-Life Sciences Education, 13(3), pp.516–528.
Nagel, M.L. & Lindsey, B.A., 2015. Student use of energy concepts from physics in chemistry courses. Chemistry Education Research and Practice, 16(1), pp.67–81.
Oléron, P., 1964. Introduction à l’enseignement programmé. Enfance, 17(1), pp.1-38.
Teichert, M.A. & Stacy, A.M., 2002. Promoting understanding of chemical bonding and spontaneity through student explanation and integration of ideas. Journal of Research in Science Teaching, 39(6), pp.464–496.
Comment élaborer des contenus d’enseignement?

Evitons l’enseignement de masse!
À première vue, cette question peut paraître anodine. Comme enseignant, notre première idée sera peut-être d’aller regarder dans les manuels scolaires qui correspondent au sujet et au niveau d’étude enseignés. En effet, on trouve souvent l’inspiration dans les manuels scolaires populaires pour aider à structurer notre enseignement. Il y a un certain sentiment de sécurité à suivre une trace pédagogique linéaire bien définie. De plus, un examen minutieux des objectifs d’apprentissage fixés par le département, par l’institution ou encore par l’état doit aussi être fait pour s’assurer que l’apprentissage des étudiants correspond aux attentes des autorités éducatives. Mais la question reste, comment le contenu d’apprentissage est-il défini? En fonction de quels besoins? Est-ce les politiques éducatives qui dirigent la rédaction de ceux-ci dans le but de répondre à des besoins de sociétés? Ou, à l’inverse, est-ce les autorités politiques et/ou économiques qui structurent les curricula? Comment les éditeurs de manuels scolaires influencent l’élaboration des objectifs d’apprentissage?
Le contenu: le parent pauvre des réformes
Roger-François Gauthier, auteur du livre “Les contenus de l’enseignement secondaire dans le monde : état des lieux et choix stratégiques” publié par l’UNESCO en 2006, souligne le fait que le contenu est le parent pauvre des réformes éducatives. On s’attarde volontiers à la révision des approches pédagogiques ou des moyens technologiques, mais on ne se préoccupe guère du contenu. Pourquoi le contenu mérite un tel désintérêt? Il y a souvent des enjeux politiques, économiques, sociaux ou scientifiques qui alourdissent et ralentissent le changement des contenus enseignés. Il y a des savoirs qui nous semblent évidents à enseigner. Par exemple, il ne nous viendrait pas à l’idée de remettre en question l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et à compter au niveau de l’élémentaire. Toutefois, au niveau secondaire, postsecondaire et universitaire, cette définition se complexifie quelque peu. FR Gauthier présente comme exemples la question de l’initiation aux sciences ou aux langues secondes. Quel est le meilleur moment et quel niveau de complexité devons-nous atteindre avec les apprenants? Que signifie l’expression “connaissances de base” en biologie ou tout autre sujet?
Enseigner des faits ou des concepts?

Figure 1: Taxonomie de Bloom. Source: Par Blooms_rose.svg: K. Aainsqatsiderivative work: PatrickHetu — Ce fichier est dérivé de Blooms rose.svg:, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=25219597
Depuis quelque temps, il y a un débat dans l’enseignement de la biologie qui tend à distinguer les connaissances factuelles et conceptuelles (Wood 2008) et à définir les connaissances de base à enseigner (Bauerle et al. 2011). Carl Wieman (sa bibliographie est disponible ici), qui s’implique ardemment dans la promotion de l’enseignement des sciences, définit le terme concept (ou connaissance conceptuelle) comme étant une idée qui peut être appliquée dans divers contextes pour expliquer et prédire un aboutissement (Wood 2008). Toutefois, la limite entre les faits et les concepts est souvent difficilement définissable. De cette dichotomie des connaissances, on s’étend vers la taxonomie des connaissances proposée par Bloom (Crowe et al. 2008). Cette taxonomie consiste à classifier les connaissances en fonction du niveau d’acquisition (Figure 1, extraite de Wikipédia). Selon ce classement (voir la description sur l’encyclopédie Wikipédia), l’idéal serait d’enseigner des savoirs qui amènent l’apprenant à développer des capacités d’analyse, de développement et de critique.
Le contenu est évolutif et faillible
Les institutions scolaires n’agissent pas seules. Leurs actions sont dépendantes des contextes sociaux, politiques, technologiques ou scientifiques donnés. Par exemple, on considère de plus en plus important d’intégrer les plus récents développements en sciences de la vie tels que la technologie CRISPR-Cas9 ou la médecine personnalisée par l’intermédiaire du séquençage génomique. Toutefois, des pressions sociales ou politiques dans certains milieux font que l’on retarde l’intégration de ces savoirs nouveaux dans les curricula, car ils ne correspondent tout simplement pas aux idéologies du moment. Encore aujourd’hui, l’enseignement de l’évolution est parfois contesté malgré l’accumulation de faits scientifiques démontrant son influence majeure sur les développements biologiques (article 1, article 2, article 3) (ici un article intéressant sur les sondages mesurant l’acceptation et la croyance des processus évolutifs). De plus, il y a toujours des questions de limite de temps pour enseigner toutes ces connaissances, de la capacité des apprenants à tout retenir et de la pertinence d’enseigner le plus de connaissances possible. Il y a nécessairement des savoirs qui devront sauter pour faire place aux nouvelles connaissances. Comment et qui désigne qu’une connaissance soit désuète ou non? En fonction de quel besoin? Parallèlement, il faut éviter d’instaurer cette tendance au “zapping” dans l’enseignement. En effet, les connaissances à enseigner doivent être les plus durables possible, mais tout en respectant le principe fondamental de la nature de la science, qu’elle est évolutive et faillible. Je reviens souvent à cette idée de besoin, dont l’évaluation et l’analyse sont souvent mises aux oubliettes, car elle demande du temps et un important niveau d’engagement pour diagnostiquer des problèmes authentiques. Elle est toutefois importante pour la définition d’un contenu d’enseignement.
Comme une histoire
Le contenu d’un cours ou d’un curriculum devrait s’écouler comme la lecture d’un bon polar, c’est-à-dire que tous les morceaux de l’histoire sont subtilement connectés les uns aux autres et à la fin de la lecture, on se dit, “eh bien, je ne m’attendais pas ça”. La tendance dans l’enseignement des sciences est de présenter et d’évaluer des connaissances de manières plutôt isolées, séparées par des chapitres qui font office de contenants hermétiques. Par exemple, le thème de l’évolution est souvent présenté dans un chapitre particulier, faisant peu référence à son influence sur les molécules ou sur les principes de thermodynamiques qui régissent les systèmes vivants, thèmes souvent abordés dans les premiers chapitres des manuels scolaires. Toutefois, dans l’apprentissage de la biologie, l’étudiant devrait comprendre que tous les processus biologiques ont été structurés par des mouvements évolutifs (“Nothing in biology makes sense except in the light of evolution“) (Dobzhansky 1973). Le “eh bien, je ne m’attendais pas à ça” devrait donc correspondre au développement d’une vision de l’ensemble des connaissances, rassemblant tous les morceaux entre eux.
Finalement, comment élabore-t-on le contenu?
Une étape importante pour structurer le contenu d’un cours est de définir les besoins en enseignement. Il est nécessaire de repérer les savoirs qui sont souhaitables d’enseigner permettant de construire un réseau de connaissances transférables dans divers contextes. Cela peut être fait via la distribution de sondages distribués auprès de différents acteurs impliqués de près ou de loin tels que les enseignants, les autorités éducatives, les étudiants, les acteurs, le secteur industriel et professionnel, etc. Cela prend du temps, ouvre bien des débats et demande un certain niveau de conciliation et de résignation. Ensuite, bien évidemment, la fiabilité et la validité des connaissances à enseigner doivent avoir été démontrées (cela peut prendre un certain temps, lire cet article sur le délai de la transposition didactique). Évaluer les contextes sociaux et politiques est aussi recommandé pour enseigner des savoirs qui ont du sens avec la conjoncture du moment. La relevance des savoirs scientifiques a souvent été montrée importante pour stimuler la motivation d’apprendre qui conduit à une compréhension authentique (Stuckey et al. 2013; McFarlane 2013). Concrètement pour l’enseignant, cela peut commencer en répondant à ces questions: quel est l’état de connaissances actuel des apprenants (les préconceptions), quelle est la situation souhaitée et quels sont les moyens possibles pour réduire la distance entre celles-ci (Watkins & Kaufman 1996)? L’approche pré/post-test en utilisant des questionnaires à choix multiples appelés “inventaire de concepts” permet de diagnostiquer rapidement les idées reçues ou les incompréhensions. Ainsi, on peut explicitement orienter notre enseignement pour résoudre les savoirs mal compris, tout en répondant aux besoins éducationnels préalablement diagnostiqués par une évaluation et une analyse de besoins.
Une question d’humilité
“Il est donc indispensable que la démarche d’évaluation des contenus enseignée telle qu’elle est proposée ici en début de processus crée en réalité une attitude générale d’humilité consistant à remettre non pas par exception, mais de façon banale son ouvrage sur le métier.” (p. 132)
Voici une citation de RF Gauthier, qui selon moi, fait une belle conclusion à mon billet (j’ai un léger manque d’inspiration!). Le contenu d’enseignement est avant tout le sujet de notre humilité; de notre capacité à reconnaitre les limites de nos connaissances et à agir pour sortir de notre zone de confort.
Références
Bauerle, C. et al., 2011. Vision and change in biology undergraduate education: A Call to Action. C. A. Brewer & D. Smith, eds., Washington, DC: American Association for the Advencement of Science.
Crowe, A., Dirks, C. & Wenderoth, M.P., 2008. Biology in bloom: implementing Bloom’s taxonomy to enhance student learning in biology. CBE—Life Sciences Education, 7, pp.368–381.
Dobzhansky, T., 1973. Nothing in biology makes sense except in the light of evolution. American Biology Teacher, 35(3), pp.125–129.
Stuckey, M. et al., 2013. The meaning of “relevance” in science education and its implications for the science curriculum. Studies in Science Education, 49(1), pp.1–34.
Watkins, R. & Kaufman, R., 1996. An Update on Relating Needs Assessment and Needs Analysis. Performance Improvement, pp.10–14.
Wood, W.B., 2008. Teaching concepts versus facts in developmental biology. CBE-Life Science Education, 7(1), pp.10–11.
Être ou ne pas être un illettré des sciences!
Juste avant d’entrer dans le vif du sujet, je vais faire une courte présentation de Mike Klymkowsky, professeur de biologie moléculaire, cellulaire et développement à l’Université du Colorado Boulder (voir ici pour plus d’info sur ses travaux de recherche et d’enseignement). Il était membre de mon comité de thèse (la présentation de mon projet est ici) et est souvent invité par l’ETH Zürich (Suisse), à présenter ses idées concernant l’enseignement et le design de curricula en biologie. Sa conception de la biologie est très holistique, c’est-à-dire que la compréhension des processus biologiques ne peut se faire sans l’appui de connaissances issues de la physique, de la chimie et des mathématiques. Son équipe participe au développement d’activités éducatives qui intègrent cette perspective interdisciplinaire (Klymkowsky, Rentsch, et al. 2016; Klymkowsky, Koehler, et al. 2016). Ils s’intéressent notamment aux idées reçues (Klymkowsky et al. 2010) et aux obstacles didactiques (Clément 2015).
Tout récemment, Mike (ouais, comme je le connais bien, pour moi il est amicalement Mike!) a publié un billet intéressant sur la «littéracie» et l’«illittéracie» scientifique, des expressions encore très peu utilisées dans la francophonie (pour lire la version originale, cliquer ici). La définition classique de la littéracie est la capacité à lire et à écrire. Cette définition s’est quelque peu élargie du côté anglo-saxon, et fait aussi référence à la culture scientifique. En effet, selon le programme PISA (Program for International Student Assesment) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la littéracie scientifique (ou biolittéracie, spécifiquement pour la biologie) englobe les connaissances et les compétences acquises par l’étudiant nécessaires à l’analyse de problèmes sociaux, environnementaux ou de santé publique. Ces savoirs devraient donc l’amener à prendre position sur un sujet donné et sur les meilleurs comportements à adopter, «en tant que citoyen réfléchi» (lire ici l’enquête PISA sur la culture scientifique). Toutefois, cette définition est plutôt large et est difficilement mesurable dans un contexte d’enseignement (Roberts 2007). De plus, certaines études montrent qu’il y a très peu ou pas de liens significatifs entre une «bonne» connaissance scientifique et les attitudes «d’un citoyen réfléchi» (Gaskell et al. 2004; Allum et al. 2008; Priest et al. 2003). Mike, suggère plutôt de tourner le problème et de s’intéresser aux conséquences l’illittéracie scientifique.
Par exemple, en Suisse par son système de démocratie directe, un citoyen a la chance de participer à l’établissement des lois et des règlements qui sont obligatoirement soumis au vote populaire.

Un vote à main levée (“Landsgemeinde”) dans la ville de Glaris, en Suisse.
Une question soulevée pourrait être: comment des citoyens «illettrés» en sciences peuvent prendre des décisions éclairées sur des questions environnementales ou de santé publique? Selon Mike, la littéracie scientifique intègre deux compétences essentielles: 1- la personne doit être capable de comprendre la question, et 2- la personne doit posséder les connaissances pour répondre à la question. Si elle ne possède pas les connaissances nécessaires, elle doit tout d’abord reconnaître qu’il y a un manque et ensuite trouver des sources d’information fiables pour combler ses lacunes. Ces compétences se développent par la pratique et par un système de rétroactions («feedbacks» en bon français!). L’illettré scientifique va présenter des erreurs théoriques importantes, va exposer un manque de logique ou des contradictions. Il peut aussi ne pas reconnaître les limites des connaissances scientifiques, un principe phare de la nature de la science (le développement des savoirs scientifiques). Mike cite en exemple les effets secondaires des médicaments qui varient d’une personne à une autre, principalement attribuables à des variabilités génétiques, environnementales ou physiologiques. Les savoirs relatifs aux effets secondaires des médicaments sont, on pourrait dire dans une zone grise, car ceux-ci sont quasiment imprévisibles. Une personne qui comprend cette limite de la science a développé une certaine habileté de raisonnement et lui permet alors de prendre position de manière la plus réfléchie possible. L’enseignement des sciences devrait donc se faire, non pas dans l’apprentissage par coeur de connaissances en vrac dénudées de tous contextes, mais plutôt dans la perspective de promouvoir le développement de la culture scientifique, qui intègre l’analyse de problème et la prise de décision.
Je vais donc dans la même direction que Mike en suggérant de tenir compte des idées reçues ou des lacunes de compréhension des étudiants en (ré)- établissant la discussion en classe comme le faisait Socrate à une autre époque. On ne pourra peut-être pas mesurer directement le lien entre leur littéracie scientifique et leurs actions citoyennes, mais on pourra au moins diagnostiquer des lacunes de compréhension qui nuisent à leur culture scientifique.
En passant, je viens tout juste de publier le même billet (ici) sur Medium dans le but d’élargir mon lectorat.
Références
Allum, N. et al., 2008. Science knowledge and attitudes across cultures: a meta-analysis. Public Understanding of Science, 17(1), pp.35–54.
Clément, P., 2015. Le Délai de Transposition Didactique (DTD) dans les Livres du Maître. Exemples en Biologie., pp.1–27.
Gaskell, G. et al., 2004. GM foods and the misperception of risk perception. Risk Analysis, 24(1), pp.185–194.
Klymkowsky, M.W., Koehler, K. & Cooper, M., 2016. Diagnostic assessments of student thinking about stochastic processes, Cold Spring Harbor Labs Journals.
Klymkowsky, M.W., Rentsch, J.D., et al., 2016. The design and transformation of Biofundamentals: a non-survey introductory evolutionary and molecular biology course. CBE-Life Science Education.
Klymkowsky, M.W., Underwood, S.M. & Garvin-Doxas, K., 2010. Biological Concepts Instrument (BCI): A diagnostic tool for revealing student thinking. arXiv.org.
Priest, S.H., Bonfadelli, H. & Rusanen, M., 2003. The “trust gap” hypothesis: Predicting support for biotechnology across national cultures as a function of trust in actors. Risk Analysis, 23(4), pp.751–766.
Roberts, D.A., Scientific literacy/science literacy. I SK Abell & NG Lederman (Eds.). Handbook of research on science education (pp. 729–780). 2007, Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum.
Welche einheimischen Tiere und Pflanzen kennen Kinder? Quelles espèces d’animaux et de plantes les enfants peuvent reconnaitre?
Voilà une intrigante question! J’ai fait une brève recherche des manuels utilisés dans les cours de sciences au niveau élémentaire/début secondaire en Suisse et il semble que les élèves soient initiés à la botanique générale et à la physiologie animale assez tôt dans leur cursus scolaire. Étonnamment, Petra Lindermann-Matthies et Elisabeth Bose (Lindemann-Matthies & Bose, 2008) avaient révélé que près de 60% des participants (161 lycéens, 110 étudiants universitaires du premier cycle et 96 étudiants gradués du canton de Zurich) rencontrées dans le cadre de leur recherche n’avait jamais entendu le terme «biodiversité». Seulement quelques personnes avaient mentionnées avoir reçu des renseignements pertinents sur ce thème à l’école. Un résultat intéressant était que la plupart des participants surestimaient la richesse de la flore en Suisse. Il serait intéressant de connaitre l’état des connaissances actuelle d’enfants sur la diversité des espèces.
Donc, cette conférence sera présentée par Mme Barbara Jaun-Holderegger de la HEP Berne. Voici le résumé, en allemand:
“Mittelstufen-Schülerinnen und -Schüler können nur wenige einheimische Tiere und Pflanzen erkennen und korrekt benennen. Im Vortrag werden diesem Befund zu Grunde liegende Faktoren erläutert und diskutiert, die in einem explorativ angelegten fachdidaktischen Forschungsprojekt an der PH Bern zur Artenkenntnis untersucht wurden. Wie könnten Schule und PH die Natur-Wahrnehmung der Kinder unterstützen?”
Titre de la présentation: Welche einheimischen Tiere und Pflanzen kennen Kinder?
- Nom du conférencier: Barbara Jaun-Holderegger, PH Bern
- Lieu: FHNW, Pädagogische Hochschule, Steinentorstr. 30, 4051 Basel
- Local: Stock, Zimmer 106
- Date: Lundi, le 28 novembre 2016
- Heure: 16:45-17:45
- Langue de la présentation: Allemand
- Lien: http://www.fhnw.ch/ph/medien-und-oeffentlichkeit/events/Welche%20einheimischen%20Tiere%20und%20Pflanzen%20kennen%20Kinder%20heute
Référence:
Lindemann-Matthies, P., & Bose, E. (2008). How Many Species Are There? Public Understanding and Awareness of Biodiversity in Switzerland. Human Ecology, 36(5), 731–742.
Didacbiol: Introduction
J’ai décidé de me relancer dans l’écriture d’un blogue pour promouvoir la didactique de la biologie et des sciences en général. Mon premier lancement avait malheureusement débouché sur un atterrissage forcé, car j’avais naïvement sous-estimé le temps requis pour ébaucher des textes intelligibles, tout en étant intéressants. De plus, j’avais eu pour ambition d’offrir un blogue trilingue, dépassant de loin certaines de mes habilités linguistiques. Pour le moment, la rédaction de ce blogue sera principalement fait dans la langue de Molière. Toutefois, pour augmenter la diffusion de l’information que je souhaite partagée, l’anglais sera parfois utilisé (und vielleicht sogar ein bisschen Deutsch!).
Ayant récemment terminé ma thèse de doctorat (biologie & didactique) à l’ETH de Zürich, je suis quelque peu à la recherche de nouveaux défis. Une de mes premières missions sera de transmettre des informations concernant les différentes activités, formation, colloques, séminaire, etc., organisés dans les différents cantons de la Suisse et chez nos voisins européens. En effet, un de mes reproches de la recherche en sciences de l’éducation en Suisse, est le manque collectivité. Bien entendu, je ferai mon possible pour explorer les différentes organisations impliquées dans les sciences de l’éducation, mais votre contribution sera aussi grandement appréciée. N’hésitez pas à partager toute information pouvant intéresser les lecteurs. Je souhaite aussi dresser un état des lieux de la recherche en didactique de la biologie en Suisse et ailleurs dans le monde.
Donc, voici quelques activités à venir d’ici la fin du mois de novembre:
- Titre de la présentation: Enseigner la NOS dans le contexte des sciences citoyennes.
- Nom du conférencier: Patricia Silveira
- Lieu: Uni Mail Genève
- Local: IUFE (Le Pavillon), salle 225
- Date: Lundi, le 14 novembre 2016
- Heure: 12:15
- Langue de la présentation: français
- Lien: https://experimental.unige.ch/2016/09/30/seminaire-recherche-et-pratique-en-education-des-sciences/
2. Titre de la présentation: Making sense of genes – where has science education gone wrong?
- Nom du conférencier: Kostas Kampourakis
- Lieu: ETH Zurich
- Local: HG, E 33.3
- Date: Lundi, le 21 novembre 2016
- Heure: 18:15 à 20:00
- Langue de la présentation: anglais
- Lien: http://www.educ.ethz.ch/forschung-und-literatur/kolloquium-llf-fd.html
3. Titre de la présentation: Genetic determinism and human intuitions.
- Nom du conférencier: Florian Stern, Kostas Kampourakis, Andreas Müller & Bruno J. Strasser
- Lieu: Uni Mail Genève
- Local: IUFE (Le Pavillon), salle 225
- Date: Lundi, le 28 novembre 2016
- Heure: 12:15
- Langue de la présentation: Non précisée
- Lien: https://experimental.unige.ch/2016/09/30/seminaire-recherche-et-pratique-en-education-des-sciences
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