À propos/About
Tout récemment, j’étais encore étudiante au doctorat en biologie spécialisé en didactique à l’ETH Zürich. Tout a commencé en 2011, peu de temps après mon arrivée en Suisse. J’étais à la recherche d’un projet de recherche qui me permettrait de combiner deux sujets qui me tenaient à coeur, soit la biologie et l’enseignement. En lisant un éditorial de la revue Science (Pedagogy meets Neuroscience), j’ai découvert Prof Elsbeth Stern qui dirigeait une équipe de recherche en psychologie cognitive et en éducation à l’ETH Zürich, ma nouvelle ville d’adoption. Je communiqua avec elle pour lui présenter mon intérêt à participer à un projet de recherche transdisciplinaire, combinant la biologie et l’éducation. Sa réponse fut rapide et elle contacta Ernst Hafen, professeur de génétique aussi à l’ETH Zürich, grandement intéressé par l’enseignement de la biologie. Ainsi naissait une collaboration interdisciplinaire pour l’élaboration de mon projet de doctorat (la thèse est disponible à l’ETH-Blibliothek) qui consistait à explorer les idées reçues en biologie entretenues par des étudiants à la fin de leur maturité (niveau d’étude qui conduit à des études universitaires en Suisse) et d’étudiants de premier cycle universitaire. Le fonds Innovedum offert par l’ETH Zürich a contribué financièrement au projet.

Biological Thinking: Insights into the Misconceptions in Biology maintained by Gymnasium students and Undergraduates.
Pour diagnostiquer les fausses conceptions des étudiants, nous avons eu recours à un questionnaire à choix multiple, le «Biological Concepts Instrument» qui a été développé par Mike Klymkowsky et ses collègues de l’Université du Colorado Boulder. L’idée générale de ce type de questionnaire est de regrouper un ensemble d’idées reçues collectées par l’entremise d’entrevues faites auprès d’étudiants. Ainsi, les questions et les réponses correspondent de près à leurs raisonnements. Pour le BCI, chaque question comporte 4 réponses potentielles; la réponse appropriée et les réponses distractives (les mauvaises réponses). Ces réponses distractives correspondent en fait à des idées reçues populaires d’étudiants. Nous avons aussi approfondi certaines lacunes révélées par l’utilisation du BCI en distribuant un questionnaire avec des questions à court développement, donnant ainsi la possibilité aux étudiants de s’exprimer plus librement pour décrire leur pensée sur des thèmes difficiles du BCI. Dans le cadre de mon projet, j’ai eu la possibilité de voyager à travers la Suisse germanique pour collecter des données sur les idées reçues d’étudiants à la fin de leur gymnase. Nous avons aussi mené une étude mesurant la persistance de celles-ci pendant les deux premières années universitaires d’étudiants inscrits dans les cours d’introduction à la biologie. Ainsi, on pouvait évaluer l’efficacité du curriculum actuel à remédier à ces incompréhensions. Brièvement, nous avons constaté que tous les étudiants rencontrés avaient des difficultés avec la fonction d’emmagasinage d’information de l’ADN et avec les interactions moléculaires. De plus, la grande majorité sous-estimait l’influence des évènements aléatoires dans plusieurs processus biologiques tels que l’évolution ou les interactions et les mouvements des molécules. En exemple, une de ses questions se formule ainsi (traduction libre, cliquer ici pour lire l’article): «Comment une molécule se lie au bon partenaire et évite les mauvaises interactions? 1- Les deux molécules s’envoient des signaux, 2- les molécules ont des détecteurs pour vérifier les mauvaises liaisons, 3- les bonnes liaisons sont le résultat d’un état énergétique plus faible que les mauvaises, 4- les molécules se lient parfaitement, comme des pièces de casse-tête (puzzle)» (Figure 1).

Fig.1- The Key and Lock analogy of molecular interactions in still prevalent after 3 semesters of biology instruction. The flowchart shows how students’ answers change from the pre-test (left), at the beginning of the first semester studying biology, to the post-test (right), three semesters later
Pour cette question, la réponse la plus appropriée est la réponse 3. Nous avons montré que 60% et 30% respectivement, des étudiants en première et deuxième année de premier cycle au baccalauréat en biologie étaient attirés par la réponse distractive 4, c’est-à-dire que les molécules se lient l’une à l’autre comme des pièces de casse-tête.
Ces résultats ont induit plusieurs changements dans les cours d’introduction à la biologie (voir ici pour quelques exemples) à l’ETH Zürich, tant au niveau du contenu que par les approches d’enseignement. Le contenu de savoirs à enseigner a été quelque peu réduit pour laisser place à des périodes de discussion en classe. De plus, l’approche de classe renversée est favorisée pour l’enseignement de certains sujets tels que la génétique et les technologies du génome. Il est difficile de comparer les résultats du “Basisprüfung” 2015 (examen synthèse distribué à la fin du semestre) avec les années précédente, car les questions d’évaluation ont été adaptées au nouveau contenu et à la nouvelle approche d’enseignement. Heureusement, ils ne sont pas inférieurs!
Ce projet apporte des informations sur l’interprétation que font les étudiants des connaissances qu’on enseigne dans les cours de biologie. Ces informations ouvrent la porte vers de nouvelles avenues pour améliorer la culture scientifique (lire ici à propos de la culture scientifique) des étudiants.